Extrait du rapport annexe mentionné dans le rapport du mémorial de l'oppression

Je remonte au château, je traverse de nouveau la pelouse et, à un endroit où l'herbe n'a pas été foulée par les soldats en ripaille, macabre surprise et, maladresse due peut-être à la fatigue, j'accroche du pied et tombe sur le cadavre de Raoul ; à la lueur de mon briquet, je le regarde, il est étendu de tout son long, la face contre terre, une main derrière le dos, l'autre repliée sur le coté ; je le retourne sur le dos, je le soulève pour l'emporter à la chapelle, il est trop lourd, pas encore complètement froid, j'entends floc, floc, sans doute des caillots de sang dans sa poitrine criblée de balles, les trous de la sortie des balles apparaissent nombreux sous la gorge ; je reste quelques instants et je m'en vais.

Je prends un peu de repos jusqu'à 6 heures ; je redescends à Vers ; arrivé à 7 heures 30, je trouve sur les lieux Noël Guittat, jardinier ; nous visitons les décombres et bientôt arrivent d'autre personnes : MM. Chabanon, Balandier et ses deux fils, Marius, domestique chez Brigaud ; avec l'aide de Guittat, je déshabille Raoul pour relever les traces de sauvagerie et de brutalité dont les boches l'ont marqué ; il a sur la figure plusieurs ecchymoses, les parties et le bas-ventre sont noirs de coups, on relève sur la hanche droite une trace de coup faisant presque tuméfaction, de la largeur de la main; de nombreuses traces de coups sur les jambes, le dos, la région lombaire et sacro-iliaque ; les poignets sont enflés, mais ne semblent pas brisés, l'ongle du pouce gauche est décollé aux trois quarts et retourné, ce doigt est très enflé, l'annulaire gauche n'a été que légèrement touché. Nous pensons le photographier pour un dossier de crime de guerre, mais devons y renoncer faute d'appareil.

8 heures 30 : A l'aide de Balladier, de Marius de chez Brigaud nous portons, sur une échelle, Raoul à la chapelle.

Julien DURY.